POINT
DE VUE
L’Ecole Brésilienne
d’art numérique est l’une des plus actives et des plus originales
du monde : Diana Domingues
et Gilbertto Prado à Sao Paulo, Tania Fraga et Suzete Venturelli à Brasilia .
Les artistes brésiliens ont récemment créé des œuvres numériques qui proposent
des environnements multi utilisateurs sur le web.
Ce sont des œuvres collectives
faites pour être jouées en réseau
sur internet. Elles nous parlent de chamanisme,
de croyances de désirs et de poésie. Ces artistes sont inspirés par la nature
si prégnante au Brésil mais aussi par la vie spirituelle
et magique dans son rapport
avec la technologie. Ils ont un regard très pratique et très poétique sur la manière
de vivre avec les nouvelles technologies, regard qu’ils intègrent toujours dans
leurs oeuvres.
Ce sont à travers des
environnements de réalité virtuelle qu’ils choisissent de présenter
leurs ambiances sensibles. Ils veulent montrer que la frontière entre naturel
et artificiel est de moins en moins précise et que la frontière entre matériel
et immatériel est de plus en plus fluide. Avec
« Trans-E » Diana Domingues ose faire le pont entre l’art interactif
et le cannibalisme. Le voyage « Xamantique » de Tania Fraga recrée pas
à pas une expérience chamanique sur le web.
Le travail artistique « Voix »
de Suzete Venturelli crée une nouvelle manière d’utiliser les modulations
de la voix pour naviguer dans des mondes virtuels. Gilbberto Prado avec « Desertesejo »
nous emmène dans un désert imaginaire, mais écoutons le parler de son œuvre. En
route pour un voyage initiatique
de télématique chamanique.
VISITE
D’ATELIER
Gilbertto
Prado, vit et travaille à Sao Paulo au Brésil. Il est l’un des chefs
de file de l’école d’art numérique brésilienne. Il est professeur au département
d’arts visuels de l’Ecole d’Art et de Communication de l’université de Sao Paulo.
-
Gilbertto,
peux tu nous dire pour quoi tu utilises les nouvelles technologies pour créer
des œuvres d’art ?
On
vit dans un monde en prise directe avec ces nouveaux moyens de communication,
en tant qu’artiste je vais chercher la poésie dans ces technologiques. J’essaie
de trouver de nouvelles limites et travailler avec la spécificité de ces nouveaux
médias. Ce qui est toujours présent dans mon travail c’est quand même la
technologie télématique parce qu’il y a cette notion de partage et de communication
avec les autres.
-
Peux
tu nous parler de « Desertesejo », l’ environnement virtuel
que tu as créé sur le web en 2000?
Desertesejo
c’est la contraction de « désert » et de « désir » en brésilien.
C’est une œuvre virtuelle multi utilisateurs. J’ai eu l’idée de cette œuvre après
un séjour dans un grand désert au nord du Chili, le désert d’Atacama, qui est
le plus haut du monde et dans lequel on perd toute référence. Dans le même ordre
d’idée, j’ai également intégré mon expérience chamanique dans le projet en mettant
les internautes en situation d’aigle, de serpent ou de panthère pour découvrir
les mondes virtuels dans lesquels je les immerge.
-
Comment
navigue t’ on dans « Desertesejo »?
Lorsqu’on
entre dans l’espace virtuel, le voyageur trouve une caverne, et de son plafond
tombent doucement des pierres. Toutes ces pierres sont clicables. Après le clic
le voyageur est transporté dans un nouvel espace, vers lequel il transporte cette
pierre. Il peut alors la déposer sur l’une des élévations (apaicheta) qui
se trouvent dans les divers espaces. La pierre représentera une marque du passage
de ce voyageur et indiquera aux autres qu’il est passé par là.Les
espaces sont composés de paysages, de fragments de souvenirs et de rêves, et sont
navigables en trois routes distinctes qui s’entrecroisent et s’alternent, qui
s’enchaînent et se composent en divers parcours oniriques.
- Ouro
est la zone du silence, dans ce premier espace la navigation est solitaire
- Viridis
est l’espace du ciel et des couleurs, le voyageur y voit de signes de la
présence des autres mais n’a aucun contact avec eux
- Plumas
est l’axe des rêves et des mirages. Dans cet espace, le voyageur interagit directement
avec les autres à traversd un « chat 3D ». C’est la zone du contact
et du partage entre les internautes.
- Techniquement
comment a été réalisée cette œuvre ?
L’oeuvre
a été programmée en VRML, le son est spatialisé en 3D. Nous avons travaillé
une année, avec 2 développeurs et un graphiste. Le plus long a été la scénarisation
minutieuse du départ, la création des modèles et les tests des comportements induits
sur les internautes.
- Que
veut montrer avec tes œuvres virtuelles collectives?
L’artiste
dans ce cas potentialise une situation ou les personnes vont entrer et vont pouvoir
partager ce monde avec d’autres. Ce qui est créé est une potentialité, une ambiance
dans une situation poétique virtuelle et partageable. Ce que je veux montrer,
c’est comment faire pour se servir de toute cette technologie pour vivre et nous
mettre à communiquer ensemble.
-
Quels
sont tes nouveaux projets ?
Je
travaille actuellement à partir de la vague énorme qui deux fois par an balaye
tout sur son passage le long du fleuve Amazone, c’est une véritable force de la
nature. Je fais le parallèle avec le flux des immigrants qui viennent du Nord
du Brésil vers le Sud et qu’on ne peut pas contenir. Je suis en train de chercher
quels interfaces technologiques je vais utiliser cette fois, peut être de
petites caméras vidéos numériques que je brancherais en réseau…